Syndicat CGT Hopital COCHIN

Poste 11167

Le tsunami libéral s’est abattu sur l’AP-HP

lundi 30 janvier 2012 par Bernard Giusti Ancien Secrétaire Général Adjoint

 
Depuis 3 ans l’Assistance Publique (AP-HP) a réduit de façon drastique les formations professionnelles. Par exemple elle formait 2 sessions de 150 Aides Soignants (AS) par an. Aujourd’hui, seule une vingtaine d’agents intègrent annuellement une école d’AS. Autre exemple, l’AP-HP formait 2 sessions de 150 Infirmières (IDE). Aujourd’hui, à peine une cinquantaine par an sont admises. De plus, faute d’argent, la Direction Générale (DG) impose des reports de scolarité d’un an ou deux.

Cette situation a suivi la mise en place des accords de Bologne qui ont reporté les formations sur l’Université. Le gouvernement s’est appuyé sur certaines revendications du personnel pour introduire des équivalences entre diplômes de formation professionnelle et diplômes universitaires. Une formation universitaire n’équivaut pas à une formation professionnelle, mais par ce biais l’administration s’est ainsi affranchie du financement des formations professionnelles. A l’Université, les futurs diplômés financent eux-mêmes leurs études et l’AP-HP n’est pas tenue de les embaucher ensuite…
 
La disparition de l’ascenseur social – permettant à des agents non diplômés d’intégrer l’AP-HP au bas de l’échelle (Agents hospitaliers : AH) et de devenir AS, IDE, cadres, voire directeurs - a complètement bloqué les carrières. Un AH stagnera toute sa carrière en tant qu’AH…
On en arrive ainsi à des embauches sur titres comme dans le privé, la disparition des concours favorisant l’emploi précaire. En effet, un récent projet de loi validé par le Sénat permet à présent l’entrée de personnel en CDI en lieu et place des fonctionnaires : des contrats de droit privé qui envahiront de plus en plus la fonction publique hospitalière.
Cette privatisation rampante de la Santé publique rappelle fâcheusement celle de France-Télécom : les fonctionnaires termineront leur carrière aux côtés de collègues qui, ayant un statut privé, ne bénéficieront pas des montées d’échelon, des primes... Des CDD et des CDI pouvant être licenciés et qui serviront de variable d’ajustement au budget de l’hôpital.
A Cochin, 99 postes sont en permanence affectés à des CDD remplacés tous les cinq mois. Sous la pression de la CGT, et avec les présidentielles qui se rapprochent, la DG va engager un processus de titularisation pour 18 AH, 5 administratifs et 6 agents d’entretien, tous étant auparavant en CDD. Soit 29 sur 99, ce qui est nettement insuffisant puisque les 99 CDD sont loin de combler le sous-effectif chronique estimé à 30%.
 
La politique de privatisation de la Santé entraîne à l’AP-HP la fermeture de nombreux hôpitaux : sur 32 établissements, il ne subsisterait que 8 Groupes Hospitaliers (GH) sensés rassembler en leur sein les activités des hôpitaux sacrifiés. Or il n’en est rien, loin de là ! Ces regroupements suppriment des spécialités et du personnel et réduisent sensiblement l’offre de soins publique. L’exemple de Cochin est significatif : le GH doit regrouper Cochin, St-Vincent de Paul, l’Hôtel Dieu et Broca. Or la fermeture de St-Vincent de Paul a fait disparaître environ 1/3 des postes et certaines spécialités ne se feront plus en France. Elle a réduit l’offre de soins pédiatriques et il devient difficile pour les parents de faire soigner leurs enfants dans des délais raisonnables, sauf s’ils ont de quoi payer des soins privés. Idem pour les mères : le regroupement sur un nouveau bâtiment de Cochin implique qu’il faudra bientôt pour les femmes prendre rendez-vous avant même qu’elles soient enceintes !
En prévision de la fermeture de l’Hôtel Dieu, Cochin s’est déjà approprié plusieurs services, dont celui très réputé de l’ophtalmologie. Il est quasi impossible d’obtenir rapidement une consultation, le délai moyen d’attente étant actuellement de 6 à 8 mois. Sauf bien sûr si vous pouvez payer la consultation privée d’un chef de service de l’hôpital public…
 
La privatisation des services logistiques (services techniques, nettoyage…) entraîne aussi d’importants dysfonctionnements : réparations urgentes différées de plusieurs jours, nettoyage assuré par un personnel mal payé, en situation précaire et surchargé de travail... Tous ces postes aujourd’hui privatisés étaient jadis ceux de fonctionnaires beaucoup plus motivés.
 
La privatisation rampante des hôpitaux publics génère une dégradation générale pour le personnel (sous-effectifs, surcharge de travail, manque de disponibilité pour les malades, démotivation par manque d’avenir) et pour les patients (attentes prolongées, transferts dans des établissements privés éloignés par manque d’effectifs et de lits...).
 
La CGT de Cochin a toujours dénoncé le « tsunami » du système libéral qui s’est abattu sur l’AP-HP. Pour le profit de quelques-uns on sacrifie le bien-être de tous, et l’héritage de nos parents est bradé au plus offrant. Changer de système est la seule solution si l’on veut éviter que le bien privé supplante systématiquement le bien public…
 
Marise Dantin et Bernard Giusti
CGT Cochin
 
Article publié dans l’Huma Dimanche n°296, semaine du 26 janvier au 1er février 2012