Article Huma Dimanche : Les ordres professionnels dans la fonction publique hospitalière
Sous le gouvernement Sarkozy, certains hospitaliers (infirmières, podologues, kinés…) ont vu se mettre en place des ordres professionnels spécifiques à leurs disciplines. Ces ordres ont été calqués sur le plus connu d’entre eux, l’Ordre des Médecins, véritable officine de contrôle idéologique mise en place par le sinistre Régime de Vichy dès 1940. Ainsi par exemple étaient réglementées les relations entre les médecins et leurs patients juifs, puis plus tard l’interdiction d’exercer faite aux médecins ou aux avocats juifs.
C’est dans cet esprit de soumission au pouvoir politique qu’ont été introduites les réformes de Sarkozy.
Du jour au lendemain, les infirmières et les kinés ont été obligés de payer pour travailler ! Mais ces ordres ont un autre but : en effet, en adhérant à des ordres professionnels, les personnels ne relèveront plus des Commissions Administratives Paritaires (CAP) mais seront « jugés par leurs pairs ». En réalité, non seulement un médecin continuera à donner son avis mais en outre la plupart des dirigeants de ces ordres ne prodiguent plus de soins depuis longtemps. Ce sont des gens… aux ordres ! Les paramédicaux relèvent désormais de trois hiérarchies : une hiérarchie fonctionnelle (corps médical), une hiérarchie administrative (direction de l’hôpital) et à présent une hiérarchie ordinale. Beaucoup de hiérarchies pour une seule tête ! D’autant qu’à l’heure actuelle, période intermédiaire, les CAP pour les paramédicaux n’ont pas encore été abrogées…
La mise en place de l’ordre professionnel infirmier s’est accompagnée d’un scandale financier. En effet, les responsables de cet ordre se sont octroyé des indemnités exorbitantes, ont mis en place des infrastructures démesurées qui ont engendré un déficit colossal (plusieurs millions d’euros en moins de deux ans d’existence) ! Pour combler ce déficit il fallait faire rentrer l’argent : les pressions sur les infirmières réticentes se sont multipliées. Par exemple, les jeunes infirmières débutantes se voient confrontées à un chantage odieux : si elles ne cotisent pas, la hiérarchie les menace de ne pas leur donner leur prime d’installation. Sans cotisation à l’ordre infirmier, on fait croire aux infirmières libérales qu’elles n’obtiendront pas le numéro d’enregistrement qui leur permet d’exercer…
En résumé, non seulement les professionnels doivent payer pour travailler, mais ils doivent aussi rembourser les dettes des dirigeants de ces ordres…
Malgré pressions et intimidations, la majorité des infirmières refusent de cotiser à cette structure directement héritée du pétainisme !
Les kinés et podologues souffrent depuis plus longtemps de la mise en place de cette structure. De ce fait, ils sont plus exposés aux mesures de rétorsion juridiques. Plusieurs, kinés ou podologues ont été trainés devant les tribunaux pour « exercice illégal de la profession » pour défaut de cotisations (un collègue de l’hôpital Corentin Celton se retrouve dans une situation désespérée suite à sa condamnation). Cette rigueur destructrice se fait, comble d’ironie, sur fond d’un « code déontologique » basé sur une idéologie pour le moins nauséabonde…
Les ordres professionnels paramédicaux signent aussi le retour au « bon vieux corporatisme » cher à tous les diviseurs de la classe ouvrière. En effet, ils imposent des « devoirs » aux travailleurs qui vont à l’encontre et annihilent toutes autres revendications (salaires, amélioration des conditions de travail, respect du code du travail, etc.). Par ce biais, on focalise les luttes sur des revendications catégorielles, ce qui désolidarise l’ensemble des travailleurs de l’hôpital.
Jusqu’à Sarkozy les professions paramédicales fonctionnaient parfaitement sans ordres professionnels. Le Programme Commun qui amena Mitterrand en 1981 au pouvoir avec un gouvernement de la Gauche Unie prévoyait l’abolition des ordres professionnels (médecins, avocats, etc.). L’instauration d’ordres professionnels dans le corps des paramédicaux s’intègre à une politique visant d’une part à la disparition de l’Assistance Publique, et d’autre part à évincer les partenaires sociaux. En matière de politique de Santé, les socialistes ont été clairs : ils sont pour les restructurations hospitalières (pudiquement dénommées « modernisations »). Hollande abrogera-t-il enfin les ordres professionnels ? C’est une nécessité que nous aurons sans doute beaucoup de difficulté à faire admettre au nouveau gouvernement. A moins de changer de système…
Marise Dantin & Bernard Giusti, CGT Cochin
en coopération avec Marianne Sainty (IDE) & François Sénac (IDE)
* IDE : Infirmier Diplômé d’Etat
Publié dans l’Huma-Dimanche du 21 juin 2012
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