Syndicat CGT Hopital COCHIN

Poste 11167

Commentaires sur les vœux de Martin Hirsch

vendredi 24 janvier 2014 par Bernard Giusti Ancien Secrétaire Général Adjoint, Marise Dantin Ancienne Secrétaire Générale

Le 16 janvier, le nouveau Directeur Général de l’APHP, Martin Hirsch, a fait part de ses intentions pour l’année 2014. L’analyse de son discours ne laisse pas de nous laisser très perplexes sur certains points, et d’une manière générale de nous conforter dans l’assurance que la loi HPST (loi Bachelot) continuera à être appliquée.

Sa « feuille de route » comporte 9 objectifs et 10 « leviers » (moyens) pour les réaliser.

Objectifs :
1. « lisibilité dans l’offre de soins » : en réalité, il s’agit de formaliser définitivement le « parcours de soins », préconisé de longue date par les libéraux, puisqu’il interdit aux patients de choisir ses médecins.
2. « des urgences pleinement intégrées dans le projet médical » : rien ne change dans ce qui a déjà été mis en place par la Commission Médicale d’Etablissement Centrale.
3. « organisation des rendez-vous et des consultations » : cela rejoint l’objectif « parcours de soins » ;
4. « une bonne utilisation des plateaux techniques, des blocs opératoires et de l’imagerie » : cela rejoint un ancien objectif : faire « tourner » les plateaux techniques 7j/7 et 24h/24 au maximum de leur capacité avec un personnel réduit ;
5. « un développement de l’ambulatoire et de l’hospitalisation à domicile » : objectif comptable de l’APHP, déjà mis en place, qui consiste à réduire au maximum les frais d’hospitalisation, fût-ce au détriment des patients (par exemple, les retours à domicile trop rapides) ;
6. « une coopération sans frein […] avec les hôpitaux généraux et la médecine de ville » : un pas de plus dans la perte d’identité de l’APHP, un pas de plus dans l’irruption du privé dans le public, un pas de plus dans la constitution des Territoires de Santé de la loi HPST ;
7. « une attention portée aux conditions de travail » : il serait temps ! Ceci dit, rien n’est dit sur les moyens pour les améliorer, Hirsch ne parle que « d’absentéisme » comme cause des mauvaises conditions de travail ; pour nous, les arrêts de travail sont les conséquences directes des mauvaises conditions de travail et du manque de personnel ;
8. « une conception de l’activité libérale » : c’est bien qu’il pense y mettre un frein, puisqu’en privé (à 150 euros la consultation) on obtient un rendez-vous en 24h, alors qu’en public il faut des mois. En tout cas, le fait que du privé s’exerce en secteur public ne dérange pas Martin Hirsch ;
9. Hirsch veut centraliser la recherche (IHU, DHU) en certains points, tout en y faisant la part belle aux labos privés.

Les moyens :
1. Développer une « force de frappe médico-économique » : clairement, on est dans l’optique libérale qui assujettit la santé à l’économie : la Santé, dit Hirsch, doit être rentable ; évidemment, nous pensons, nous, que l’économie doit être au service de la Santé, et non l’inverse.
2. « L’information » : le but est de faciliter les passerelles entre le public et le privé par l’intermédiaire de l’informatisation ;
3. Hirsch parle du « malaise des cadres » ! A l’entendre, les cadres sont des victimes, prises entre les exigences de leur direction et la désobéissance de leurs agents ! Pauvres cadres ! Ils sont pourtant bien plus entendus que leurs agents. Il est vrai, qu’ayant choisi d’être cadres, ils sont précieux pour toutes les directions puisque chargés des « basses besognes » (gérer les services avec le moins de personnel possible par exemple…). Très majoritairement, ils ne rechignent pas à la tâche…
4. Hirsch se prononce en faveur des glissements de tâches et des délégations de responsabilité ; une façon, sous couvert « d’épanouissement » professionnel, de faire travailler les agents à moindre coût ; c’est aussi exposer les agents aux conséquences d’erreurs professionnelles en dehors de leurs champs de compétence ;
5. « Favoriser la promotion professionnelle » : nous sommes bien contents de l’entendre ! Toutefois nous pensons qu’il s’agit d’un effet d’annonce. Nous attendons les résultats, sans grande illusion ; beaucoup de parcours professionnels sont déjà bloqués ou en voie de l’être ;
6. « Moderniser le petit équipement » : Hirsch a-t-il le choix ? Quand on voit l’état de nos lits, de nos fauteuils roulants, etc., ne pas intervenir reviendrait à coucher les patients par terre !
7. Renforcer la mutualisation des labos en les regroupant sur un seul site : au passage, on augmente les charges de travail et on supprime des postes.
8. Idem pour les blocs opératoires, l’imagerie et les plateaux techniques.
9. Rendre plus « performants » le codage et le « facturage » : Hirsch prévoit que personne ne puisse se soustraire aux règlements des soins dus à l’hôpital ; bonne intention, mais avec quel personnel ?
10. Mise en place d’un site internet plus performant pour assurer la lisibilité dans l’offre de soins.

Sous couvert de permettre « un accès aux soins pour tous » (alors que Hirsch et ses amis politiques libéraux détruisent le tissu sanitaire depuis de nombreuses années) l’APHP applique la loi Bachelot, notamment en mettant en place les Territoires de Santé, dans lesquels l’APHP va disparaître progressivement. Déjà Martin Hirsch a renommé l’APHP en APHGP : Assistance Publique-Hôpitaux du Grand Paris. Le Grand Paris, c’est la mégapole que les libéraux de droite et de gauche veulent mettre en place, au détriment de la démocratie communale. Il compte commencer dès ce printemps.
A aucun moment, Martin Hirsch ne dit qu’il mettra un terme aux restructurations et aux fermetures d’hôpitaux. Bien au contraire, il enfonce le clou aussi bien pour l’Hôtel Dieu que pour les hôpitaux du nord de Paris.
Dans sa « philosophie générale », Martin Hirsch se montre bien idéaliste ! Ainsi par exemple, il parle l’APHP comme une institution de référence permettant « l’égalité aux soins » entre un SDF et un Ministre. Nous qui sommes sur le terrain, nous ne connaissons pas beaucoup de cas où un SDF est pris en charge par un éminent professeur..!
De plus, il insiste sur le « dialogue social » : pourvu qu’il ne confonde pas dialogue et collaboration !

Marise Dantin & Bernard Giusti

[cf. 16 janvier 2014/discours des vœux de M. Martin Hirsch, Directeur Général de l’APHP]