Syndicat CGT Hopital COCHIN

Poste 11167

Discours de Bernard Giusti pour la commémoration de la Libération de Paris

jeudi 25 août 2011 par Bernard Giusti Ancien Secrétaire Général Adjoint

Chers camarades,
Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui pour commémorer l’anniversaire de la Libération de Paris. Tous les ans, le 25 août est l’occasion pour chacun de se souvenir de ces hommes et ces femmes qui, dans les hôpitaux ou ailleurs, ont donné leur vie pour que nous vivions libres. Tous les ans, c’est aussi l’occasion de nous rappeler qu’au sortir de la guerre, des hommes et des femmes regroupés au sein du Conseil National de la Résistance (CNR) ont mis en place des institutions qui devaient permettre un indéniable progrès social, notamment la Sécurité Sociale et l’accès aux soins pour tous grâce au développement des hôpitaux publics.
Je ne reprendrai pas aujourd’hui le programme du CNR, que j’avais développé l’an dernier. Mais il faut bien dire que depuis la Libération de Paris la régression sociale frappe de nouveau de plein fouet le peuple de France. Elle frappe depuis plusieurs décennies, mais nous pouvons constater qu’elle n’a jamais été aussi destructrice qu’aujourd’hui. En cette journée du souvenir, rappelons-nous donc que le patronat et l’extrême droite avaient été exclus du CNR pour avoir ouvertement collaboré avec les nazis. Or nous constatons aujourd’hui le retour en force de ces deux composantes de la société et la recrudescence de leur importance politique. Les tentatives de « réhabilitation » de collaborateurs notoires se multiplient, et je n’en donnerai pour exemple que celle de Louis Renault, actuellement dénoncée à juste titre par l’historienne Annie Lacroix-Riz. Certains pensent qu’il est temps de « passer l’éponge » afin de passer à autre chose. Mais c’est faire l’erreur de croire que ces gens de l’extrême droite et du grand patronat ont changé. Ils n’ont pas renoncé à leur volonté d’asservir nos citoyens, ni à leur volonté de faire passer les intérêts particuliers, les leurs bien sûr, avant l’intérêt général. C’est notamment ce que nous voyons se réaliser dans nos hôpitaux où sous prétexte de modernisation nous assistons à un démantèlement pur et simple de l’hospitalisation publique au profit des cliniques, des hôpitaux privés et des grands groupes financiers. Aujourd’hui en France on est de plus en plus soigné non selon ses besoins mais selon ses moyens…
Cette destruction des services publics au profit du grand patronat et de la finance touche toutes les institutions de la République. Il faut dire que ces institutions républicaines et ces services publics chargés d’assurer l’égalité des soins, des transports, de l’enseignement, etc., sont incompatibles avec une Europe mise en place précisément par le grand patronat et la finance… Certains, de tous bords, se laissent entraîner par la dynamique actuelle de cette Europe du grand capital. Ils sont comme fascinés et prêts à y collaborer. Mais depuis sa création, cette Europe-là est source de plus d’inégalités et d’injustices pour tous les citoyens, alors qu’elle est source de profits pour les actionnaires, les grands patrons et les financiers. En tant que syndicalistes nous ne pouvons y souscrire, fût-ce en pensant que nous aurions ainsi quelque chance « d’arrondir les angles ». Notre rôle n’est pas de permettre à quelques prédateurs de nous dépouiller en douceur...
A l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris nous sommes évidemment en première ligne pour combattre et résister contre la destruction programmée des services publics de santé. Particulièrement à la CGT et particulièrement dans notre groupe hospitalier de Cochin-Hôtel Dieu-Broca, puisque déjà Saint-Vincent de Paul a été rayé de l’intitulé officiel. Cette commémoration est en effet la dernière qui se déroulera dans notre hôpital, sa fermeture étant annoncée pour début décembre. Saint-Vincent de Paul est un exemple parmi les plus emblématiques à la fois de la volonté des gouvernements libéraux de casser le service public, et de la résistance du personnel de l’AP-HP. Cette bataille-là a été perdue et St Vincent fermera et sera détruit ; son personnel a dû subir toutes les avanies liées à ce qu’il est convenu d’appeler officiellement une « restructuration » ; le personnel restant encore aujourd’hui, essentiellement celui de la maternité, est à son tour dans la ligne de mire et la perspective pour une partie d’entre nos collègues seulement de rejoindre le nouveau bâtiment de Port-Royal, déjà surnommé « l’usine à bébés », n’est guère réjouissante… Moins de personnel pour plus de patients, voilà ce qui les attend, avec tout ce qu’entraîne une diminution de personnel dans des services de santé : horaires changeants donc répercussion sur la vie de famille, explosion des charges de travail donc risques d’erreurs professionnelles accrus, fatigue, stress, dépressions, etc. Entre janvier et juin, plus de 300 postes ont été supprimés sur notre groupe. Les suicides parmi le personnel de l’AP-HP se sont accrus de façon exponentielle. Ces deux faits résument à eux seuls la réalité de ce qui se passe aujourd’hui dans nos hôpitaux.
Mais à l’instar de De Gaulle, la CGT de Cochin et Saint-Vincent de Paul dit aujourd’hui que si nous avons perdu une bataille, nous n’avons pas perdu la guerre. Car c’est bien à une véritable guerre contre les citoyens que se livrent le grand patronat et les financiers, par le truchement de gouvernements libéraux ou ultra-libéraux. En ce jour de commémoration de la Libération de Paris, nous nous rappelons que celles et ceux qui sont morts jadis se sont battus avant tout pour l’avenir. Et c’est pour l’avenir que nous devons continuer à combattre avec la CGT de Cochin et Saint-Vincent de Paul. Pour l’avenir de nos enfants, l’avenir des jeunes d’aujourd’hui et des générations futures. Le joug de la dictature peut prendre des formes multiples. A l’époque ce joug était manifestement militaire. Aujourd’hui il est manifestement économique, au nom d’une logique comptable imposée par quelques-uns pour leur seul profit. En ne nous battant pas pour l’avenir, pour une société plus juste et plus humaine, nous ne sauverons rien de ces acquis instaurés par le CNR et par les luttes de nos anciens. Comme je l’avais écrit il y a un an, dès ma prise de fonction de Secrétaire Général de la CGT de Saint-Vincent de Paul, nous ne devons pas nous contenter de défendre, nous devons être sans cesse à l’offensive, comme l’ont été les Parisiens, qui quelques jours avant la Libération effective de Paris sont descendus en masse dans les rues pour dresser des barricades et ont déclenché des grèves générales : grève des transports, grève de la police, etc. Etre à l’offensive, c’est-à-dire refuser la collaboration de classe, c’est la seule voie possible.

Saint-Vincent de Paul fermera bientôt définitivement ses portes, sacrifié comme d’autres hôpitaux sur l’autel du libéralisme. En s’attaquant ainsi à un hôpital performant qui pratiquait une médecine de pointe reconnue sur le plan international, les gouvernements libéraux n’ont pas seulement voulu s’attaquer au service public. Ils ont aussi voulu s’attaquer à un symbole historique, celui de Saint Vincent de Paul, qui fut l’un des premiers en France à œuvrer pour les plus pauvres. La disparition de l’hôpital Saint-Vincent de Paul c’est aussi la volonté de sonner le glas de l’entraide et de la solidarité. La disparition de l’hôpital Saint-Vincent de Paul c’est aussi la disparition d’un état d’esprit, celui du service public. Mais c’est aussi un crève-cœur pour le personnel qui a pendant des décennies contribué à son excellence en matière de maternité et de soins pédiatriques.

En ce jour de commémoration, je tiens à dire à toutes et à tous que nous n’oublierons pas et qu’avec la CGT nous porterons le combat, où qu’il puisse être.

Merci de votre attention.

Bernard Giusti, Secrétaire Général CGT de l’hôpital Saint-Vincent de Paul