Notre Secrétaire Générale Aglawen Vega dans le Parisien
Violences, casseurs… des voix s’élèvent pour interdire les manifestations à Paris
Depuis plusieurs années, de violents débordements ont lieu en marge des diverses mobilisations dans la capitale. Elus, commerçants, policiers et syndicats montent au créneau pour tenter d’y mettre fin. Quitte à réclamer l’interdiction des manifestations pour certains
Par Nicolas Maviel, Eric Le Mitouard et Céline Carez
Le Parisien, 10 décembre 2020
Aujourd’hui, des voix s’élèvent contre les casseurs et la présence des black blocs à l’arrière des cortèges syndicaux qui battent le pavé parisien samedi après samedi au fil des mois et des années. Les secteurs de la place de la République, de celle de la Nation, les grands boulevards, les Champs-Elysées et, samedi 5 décembre, le quartier Gambetta ont, tous un jour ou l’autre, été impactés par les dégradations.
Les parcours doivent se tenir sur des axes assez larges pour accueillir les nombreux manifestants. Ce sont donc souvent les mêmes quartiers qui trinquent dans la capitale. Ce samedi, la préfecture de police a d’ailleurs interdit une manifestation des Gilets jaunes programmée, une fois n’est pas coutume, rive gauche.
Le maire (LR) du 6e, Jean-Pierre Lecoq, monte d’ailleurs au créneau ce jeudi et demande que toutes les manifestations soient interdites dans Paris jusqu’à Noël ! Sa demande sera-t-elle entendue ? Il y a peu de chance car si le droit de manifester n’est pas inscrit au sens strict dans la Constitution, il l’est dans la Déclaration des droits de l’homme et il ne doit pas être remis en cause.
« Des quartiers complets à l’arrêt, paralysés »
Mais voilà, il y a des « victimes » de ces débordements. « Samedi dernier, trois commerces, quatre agences bancaires, deux agences immobilières ont été cassées dans le 20e. La semaine passée, c’était autant de commerces ouverts ou fermés victimes des casseurs à la Bastille. Je ne suis pas contre les manifestations, mais dans cette période de crise sanitaire qui s’ajoute à la crise économique, il est temps de faire un moratoire, attaque Dominique Restino, président de la Chambre de commerce de Paris. Le commerce parisien va extrêmement mal. Ce n’est pas seulement les commerces cassés qu’il faut comptabiliser, mais des quartiers complets à l’arrêt, paralysés, qui subissent ces dégâts alors que tout le monde a besoin de travailler et de déstocker. »
Et de conclure : « Je le crains, parmi les 62000 commerces parisiens, il va y avoir des faillites dans les mois à venir. Nous recevons déjà des milliers d’appels à l’aide. Nous allons monter une structure APESA75 d’entraide psychologique pour les commerçants et petites entreprises. »
Les services d’ordre « costauds » ont disparu
« On ne devrait pas donner d’autorisation à une manifestation qui n’a pas son propre service d’ordre. Et en cas de blessés chez les forces de l’ordre ou de casse, la responsabilité des organisateurs devrait être engagée. » Ivan Assioma ne mâche pas ses mots. Le secrétaire national Ile-de-France pour le syndicat Alliance Police, majoritaire parmi les policiers, constate que « les manifestations sont de plus en plus infiltrées par des nébuleuses de black blocs. C’est monté en puissance avec les manifestations pour la loi travail du printemps 2016. Ces casseurs, des professionnels de la contestation, venus de toute l’Europe, sont juste là pour s’en prendre aux forces de l’ordre et tenter de déstabiliser l’Etat. Il en va aussi de l’intégrité physique de nos collègues. »
En revanche, le policier estime que « le droit de manifester est un droit constitutionnel et nous policiers, nous ne sommes pas opposés à ce droit. D’ailleurs, il nous arrive de manifester. » Le syndicaliste déplore aussi que les manifestations aient de moins en moins de service d’ordre. « Il y a plusieurs années, les confédérations syndicales dont la CGT avaient des services d’ordre costauds. »
« La pauvreté et la précarité nourrissent la violence »
Aglawen Vega, secrétaire générale de la CGT AP-HP de l’hôpital Cochin, a, elle, un autre regard. Et se pose des questions : « Lors de manifestations, j’ai vu les policiers et les gendarmes identifier clairement les casseurs dans le cortège et ne rien faire. Pourquoi ne font-ils rien ? Est-ce pour laisser dégénérer la manifestation et alors justifier les violences, avoir des arguments pour au final encourager l’interdiction des manifestations et restreindre le droit des Français ? »
En revanche, la syndicaliste n’a pas d’explication sur le fait que les services d’ordre propres au syndicat et qui protègent les cortèges ont fondu comme neige au soleil. A la CGT AP-HP, Maryse Dantin glisse que le gouvernement a réduit de moitié les heures de délégation syndicale et que cela n’encourage pas la disponibilité des salariés de l’AP-HP, y compris pour venir encadrer les manifestations…
Pour Abdallah Saidi, élu au syndicat FSU du musée Carnavalet pour la Ville de Paris : « C’est fini la belle époque des manifestations où on croisait des bambins perchés sur les épaules de leur papa et des vendeurs de sandwich merguez le long du cortège. Là, on se pose des questions avec ces bandes de c… qui viennent tout casser. » Mais le syndicaliste estime aussi que « la pauvreté et la précarité nourrissent la violence ». Et de conclure : « Que faire pour pouvoir continuer à manifester ? C’est notre droit. Il faut renforcer les services d’ordre des manifestations. Il faut aussi que la police joue vraiment son rôle d’encadrement, de prévention, de protection. »
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